PAROLE D'EXPERT : « L’habitat de demain sera-t-il durable ? »

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Directeur de projet et associé au sein de l’agence Viguier, Christophe Charon a dirigé les études et le design du projet Hypérion, lequel a remporté le Grand Prix National des Pyramides d’Or en juin dernier. Localisée à Bordeaux, cette tour d’habitation sera la première de France à être en bois. Un clin d’œil aux nouvelles techniques de conception durable. Pour Caséo, l’architecte revient sur les possibles habitations de demain.

 

  • Vue principale du projet Hypérion.

 

  • En quoi l’Hypérion se veut représentatif, du point de vue développement durable, des avancées dans le domaine de la construction ?

 

Au cœur du projet s’élèvera la plus haute tour de logements en bois du monde (57 m). S’il était acquis d’élever des immeubles dotés d’une charpente en bois de plus de 7 niveaux au XVIIIe siècle, ce savoir presque oublié est aujourd’hui en pleine reconquête dans le respect des normes et contraintes de sécurité de notre époque. Sur ce programme, nous développons des solutions d’avenir innovantes pour fournir des réponses aux problématiques telles que la résistance au feu, l’étanchéité, l’acoustique etc. D’autre part, ce choix technique d’avoir recours au bois dans la construction de la tour ainsi que l’utilisation de matériaux bio-sourcés assurent une économie de CO2 sur le cycle de vie du bâtiment.

 

  • En tant qu’architecte, comment interprétez-vous les tendances actuelles pour imaginer de nouvelles formes d’habitat ?

L’ambition de participer au développement d’une architecture sensible aux défis écologiques, nous conduit à réfléchir à des projets de plus en plus complexes en termes de programmation et de conception. Dès les premiers dessins, nous essayons de donner à ces espaces la capacité de se transformer tout au long de la vie des bâtiments pour préparer d’éventuelles reconversions. Les logements doivent, tout d’abord, s’adapter à la composition de la famille qui a beaucoup évolué. Par ailleurs, il faut imaginer des équipements mutualisables. Comme le coût d’acquisition des logements a une incidence sur les surfaces proposées, des services communs compensent cette perte de surfaces (laverie, séchoir, terrasses partagées etc.) De plus, les logements sont désormais connectés, ce qui permet de piloter et visualiser les consommations énergétiques favorisant une meilleure maîtrise (chauffage, éclairage, occultations). Enfin, l’émergence d’immeubles respectueux de l’environnement, d’immeubles plus verts permettant de rafraîchir les villes avec des plantations pérennes ou encore de bâtiments à basse consommation sont autant de réponses apportées aux enjeux écologiques.

 

  • Façade SUD-EST du projet.

 

  • Le développement durable se décline sous trois aspects : qualité environnementale, lien social et équilibre économique. Qu’est-ce que ces piliers induisent / changent dans le rapport à la construction de demain ?

Le label HQE (haute qualité environnementale) est un concept français datant de 2004 qui limite à court et à long terme les impacts environnementaux d’une construction. Une dimension nouvelle est apparue ces dernières années, celle de mêler jardins et plantations aux bâtiments. Rafraîchir la ville en proposant aux occupants des espaces verts, comme partie intégrante des immeubles est devenu un élément presque incontournable de nos programmes. Nous répondons aussi à une demande visant à développer le lien social. Nos immeubles abritent une diversité de programmes, mêlant bureaux, commerces, équipements, logements… Cet usage multiple renforce l’urbanité des projets au bénéfice de la ville et de son attractivité. S’il est un fait avéré que l’impact d’une construction vertueuse et durable pèse sur le budget d’une opération, ce surcoût doit être mis en perspective avec les économies générées en termes de consommation et d’adaptabilité tout au long de la vie du bâtiment. En qualité d’architecte, nous devons nous mobiliser pour participer à cette ambition collective, à cette philosophie nouvelle qui nous amène chaque jour à nous interroger sur l’influence de nos actes face à un défi tel que l’environnement dont la dimension temporelle est grande.

 

  • Les appellations « maison passive », « maison ossature bois », « maison hors-site », « maison modulaire » sont de plus en plus utilisées. Ces modèles sont-ils pérennes ?  Sont-ils duplicables aux logements collectifs ? 

Les quatre types de maison que vous citez nous renvoient dans notre inconscient à un habitat fragile et donc provisoire. Nous devons, en regardant les constructions anciennes, retrouver confiance en ces matériaux d’apparence plus fragile, il demeure encore bien des maisons construites en pisé ou en bois. Elles ont, pour certaines, plusieurs siècles d’existence… D’une époque plus récente, il est aussi possible d’admirer à Meudon les constructions d’après-guerre réalisées en atelier par A. Sive et Jean Prouvé, destinées à un relogement d’urgence.  Construites en atelier, en bois et en acier, elles ont 60 ans plus tard remarquablement résisté au vieillissement. Oui, ces maisons en bois, passives et modulaires seront pérennes.  Elles peuvent présenter, dès aujourd’hui, une alternative à la construction maçonnée traditionnelle. Il faut croire au développement de la filière bois, condition indispensable à l’accroissement de sa compétitivité.

 

  • Vue de la façade Nord-Est.